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Des délits et des peines, Cesare Beccaria

Photo du rédacteur: essexdoublediplomeessexdoublediplome

Le 26 septembre 2021, par Alexandre Perin

Ce petit traité d’une centaine de pages, fondement du droit pénal moderne, a été écrit au XVIIIème siècle par un jeune Italien du nom de Cesare Beccaria.

A cette époque, la France et l’Italie sont en retard dans leur application du droit pénal notamment en comparaison avec le Royaume-Uni. Les Parlements (noms sous l'Ancien Régime donnés aux tribunaux) font une justice d’exemple et de punition et le souverain se trouve au sommet de la pyramide judiciaire (cf. justice retenue).

Cette justice ne punit d'ailleurs pas de la même façon pour le même crime, en fonction de la personne mise en cause, du juge, de la victime ou meme de la ville où a été commis le crime.


Remise dans le contexte: Il faut savoir que les Parlements jugent à cette époque sans les principes fondamentaux de nos lois actuelles, ainsi, il n’y a ni égalité devant la loi ni de peine fixée pour chaque délit ou crime. Le coupable ou la personne désignée comme tel peut subir toute sorte de supplices sur la place publique. La torture est pratique courante. En bref, la justice sert à punir fortement et à faire du coupable un exemple. Certains procès ont servent plus la politique ou la religion que la justice en elle-même (cf. le procès du chevalier de Barre en 1765).



Le roi rendant la justice- Source : Chroniques du Moyen Age







Dans son traité, Beccaria défend une toute autre vision de la peine: celle de l’utilité sociale et non d'une élimination d'une personne de la société. En tant qu'utilitariste convaincu, l'auteur ne voit pas de bien ou de mal dans l’accusé ou le coupable, il voit simplement ce qui est utile de faire afin de le condamner une fois le crime commis.

Il fait changer de paradigme la justice criminelle, en passant d’une justice morale et fortement religieuse à une justice plus rationnelle et humaniste.

D'un point de vue actuel, on peut alors penser qu'il est en avance sur son temps lorsqu'il en vient à formuler des principes simples et des concepts juridiques qui seront, plus tard, basés sur l’utilité qu’ils apportent à la société.

Beccaria écrit son traité en 1764 en s’inspirant des philosophes des lumières tels que Voltaire, Rousseau et Montesquieu. Du fait du contexte de l'époque (crainte de la censure), il le publie sous forme anonyme.




Cesare Beccaria- Source : Liber Liber

« Si je prouve que cette peine n’est ni utile ni nécessaire, j’aurai fait triompher la cause de l’humanité » Beccaria sur la peine de mort.








Les idées et principes fondamentaux que pose et défend Beccaria dans son traité :


-Le principe d'intelligibilité de la loi: la loi doit être claire et compréhensible par tous

-Le principe de l'égalité/ d'isonomie devant la loi: la loi doit être la même pour tous

-Le principe de légalité en droit pénal : la loi seule peut déterminer la peine

-Le principe d'utilité de la loi : la peine se doit d’être utile socialement :

Selon Beccaria, il faut donc se débarrasser de la peine de mort, des supplices, de la torture et les transformer en « réhabilitation sociale» (terme utilisé de nos jours). Ainsi, il

ne faut pas enrager les passions mais créer les conditions propices à la désescalade.

-Le juge doit seulement appliquer la loi et la peine est déterminée par celle-ci. Contrairement au droit anglais, le juge n'applique donc que la loi et les peines et ne doit pas en chercher ni l’esprit, ni la morale et ni même "faire le droit".

-Abolition de la peine de mort en droit commun au vu de son inutilité

-La proportionnalité des peines aux délits: tout châtiment qui ne découle pas d’une nécessité absolue est tyrannique comme l’a théorisé Montesquieu et comme l'a repris Beccaria,

-Le principe de la présomption d’innocence pour tous

-Le jugement par ses pairs

-Une justice efficace car une justice lente est injuste autant pour l’accusé que la victime

-L'abolition du droit de grâce qui donne à un prince le droit de gracier une personne. Son abolition est demandée car elle est l’aveu le plus certain d'une grande entrave à la séparation des pouvoirs (le pouvoir exécutif empiétant sur l'autorité judiciaire) mais aussi parce qu'elle met en avant l’imperfection de la justice et des lois, étant entendu que la peine doit être systématique mais la plus clémente possible.

« Pour que n’importe quelle peine ne soit pas un acte de violence exercée par un seul ou par plusieurs contre un citoyen elle doit absolument être publique, prompte, nécessaire, la moins sévère possible dans les circonstances données, proportionnée au délit et déterminée par la loi. »


L’Influence et la portée des idées Beccaria :


Cet ouvrage a eu rapidement une influence notable. L'ouvrage est écrit en 1764 soit 25 ans avant la Révolution Française. Dès 1790 certains membres de l’Assemblée Nationale s’opposent non seulement à la peine de mort mais aussi à la peine de perpétuité en prison. La peine maximale proposée par le comité Le Pelletier est entre 12 et 24 ans de cachot. Finalement, l’Assemblée gardera la peine de mort pour certains crimes de droit commun mais le débat concernant la peine de mort est posé pour la première fois. Dans les assemblées successives on tend vers la proportionnalité de la peine et a l’égalité des citoyens devant la loi.

Un des premiers codes pénaux fut même nommé le « code des délits et des peines », on voit ici toute l’influence de Beccaria et l’hommage que lui fait la Révolution.


CODE DES DÉLITS ET DES PEINES. Du 3 Brumaire, an 4 de la République- Source : l’imprimerie du Dépôt des Lois

Sous Napoléon, sous l'impulsion duquel le Code pénal de 1810 a été élaboré, on note un léger retour en arrière en France avec une réapparition de la torture mais en gardant les principes essentiels que Beccaria avait posés en matière de droit pénal.

Aujourd’hui encore son influence est immense car il a été l’un des modèles les plus utilisés pour écrire les différentes chartes et conventions internationales : la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU en 1966 et surtout la Déclarations des Droits de l’Homme de 1789 qui a valeur constitutionnelle depuis 1971 en France.







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